4.
À la base militaire 3, l’atmosphère était lugubre. Des vaisseaux que l’on croyait à des mois-lumière de là, en train de quadriller la galaxie pour retrouver le général Carr, tombaient soudain du ciel comme des mouettes blessées, mis hors de combat par des réacteurs en panne, des ordinateurs surchargés et tous les autres maux auxquels sont sujettes des machines usées et mal entretenues. Les services d’entretien ne savaient plus où donner de la tête, et le commander Krogson était dans tous ses états.
« Schninkle ! hurla-t-il. Y a-t-il du nouveau quelque part ?
— Toujours rien, répondit le petit homme.
— Provoquez quelque chose, alors ! » Il posa ses brodequins usés sur la table marquée par les clous et mâchonna rageusement son cigare. « Comment ça se passe dans les autres secteurs ?
— Pas mieux qu’ici, dit Schninkle. Le commandant Snork, du secteur 6, a tenté un coup fumant, mais ça n’a pas marché. Il a envoyé sur une planète coloniale du bord de la ceinture une équipe de psychos, qui a hypnotisé toute la population. Résultat, une quinzaine de millions de petits verts hurlaient à qui mieux mieux “Vive le général Carr !”, “À bas le Grand Protecteur !”, “Vive la Révolution du Peuple”, et autres slogans du même genre. Pour que ça ait l’air plus sérieux, Snork leur avait même fourni quelques désintégrateurs-cyclones de moyenne puissance. Cela fait, il a envoyé toute sa flotte sur place, et fait prévenir la presse de la base centrale. Devinez ce que les services de l’information essentielle ont fini par lui envoyer ?
— Je n’aime pas les devinettes. Parlez !
— Un seul et unique reporter débutant. Ne pouvant plus faire marche arrière, Snork dut se résoudre à tuer toute vie sur la planète. Résultat ? Ce matin, il a eu droit à un entrefilet de trois lignes dans Espace et a été promu protecteur de troisième ordre des Communications spatiales du peuple, huitième catégorie.
— C’est toujours mieux que nous, qui n’avons rien du tout.
— Pas quand l’entrefilet est enterré en avant-dernière page, tout en bas de la rubrique « Nouvelles Plumes », et que la promotion est posthume. Ils se sont même trompés en orthographiant son nom, qui est devenu “Snark”. »